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Exposition de Thanh Ouchka & Valérie Daubé


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Exposition de Thanh Ouchka & Valérie Daubé
Décembre. 28, 2024
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Par Philippe Forest.

 
Dans le Finistère, La preb’ expose deux peintres, bretonnes “si l’on veut”, à contre-courant : Valérie Daubé et Thanh Ouchka.

 
À Saint-Pol-de-Léon, sur la scène somptueuse et dans les spacieuses salles d’un magnifique bâtiment datant de la Renaissance, la Maison Prébendale expose depuis une trentaine d’années des artistes d’aujourd’hui. Ils sont souvent bretons. En ce moment, il en va ainsi de Valérie Daubé et de Thanh Ouchka. Toutes deux, elles ont leur atelier dans les environs : du côté de Morlaix et de Roscoff – encore que, dans le cas de Thanh Ouchka, née à Saïgon et bien qu’elle ait grandi sur la côte du Finistère, le nom fort peu breton qu’elle a choisi pour la signer indique déjà que sa peinture regarde déjà vers un autre ailleurs.
Ce sont des peintres bretonnes, si l’on veut. Mais certainement pas au sens où la peinture bretonne, comme c’est si souvent l’usage, se limiterait encore, pour des raisons touristiques ou commerciales et afin de décorer les résidences secondaires des stations balnéaires de la région, aux lucratifs et pittoresques motifs des marines et des menhirs, voire : des bateaux, des bigoudènes et des bagads. Leur exposition (une centaine de pièces réparties dans sept salles) prend tous ces clichés à contre-pied. Elle relève de la peinture abstraite et proclame le primat de la couleur.

Tel qu’il est

 
Mais prenez le cas des toiles de Thanh Ouchka. Il n’est pas impossible que, derrière le gris du granit et derrière l’argent des ardoises, derrière l’acier des lames et derrière le vert du varech, la cendre du ciel et le plomb des pierres, les couleurs et les formes que font s’épanouir ces toiles, aussi vives et aussi exotiques que chez Gauguin, ne nous rendent bien mieux, avec ses lagons bleus et le minéral de ses matières, une Bretagne imaginaire aux paysages mentaux bien plus réels que la terne et naturaliste contrefaçon à laquelle on les réduit souvent. Car rien n’est plus figuratif que la peinture abstraite.
À quelques pas de là, se tenait, il y a plus d’un siècle, l’école dite de Pont-Aven. On connaît – on la connaît parce que Malraux l’a souvent citée – la phrase fameuse de Maurice Denis : “Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.” Mais, à condition de savoir regarder, tout se renverse aussi. Des couleurs assemblées sur la surface plane d’une toile sortent des anecdotes, des scènes et des corps, des paysages prodigieux qui nous montrent le monde tel qu’il est, mais tel que nous ne l’avions jamais vu.
Un peintre coloriste, écrit Baudelaire, est un poète épique. En dépit du long débat où s’affrontent Rubens et Poussin, Ingres et Delacroix, pas plus que l’émotion à la raison, la couleur ne s’oppose au dessin. Elle raconte l’histoire, elle raconte des histoires. Elle nous montre le monde dans sa vérité native, conférant à l’informe la seule forme qui lui sied et sous laquelle se manifeste son éclatante évidence. Et à cette histoire, à ces histoires, tant qu’il se trouvera des artistes pour peindre, il n’y a pas de raison qu’il y ait de fin.

* Citation de : artpress



 

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