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Intermezzo, la musicalité efficace de Sally Rooney


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Intermezzo, la musicalité efficace de Sally Rooney
Décembre. 28, 2024
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 Par Benoît Séville

Après les succès de Conversations entre amis, Normal People et Où es-tu monde admirable, la romancière irlandaise Sally Rooney signe un retour remarquable et remarqué avec Intermezzo, son quatrième roman à seulement 33 ans.

Les frères Koubek, Peter 36 ans et Ivan, 22 ans, ont perdu leur père. Le premier est un juriste brillant, cultivé, riche et séduisant, qui multiplie les aventures et les conquêtes. Amoureux de deux femmes qu’en apparence tout sépare, il se déchire, persuadé de devoir faire un choix. Ivan est un génie des échecs, solitaire et renfermé, secrètement jaloux de son frère.

Lors d’un tournoi d’échecs dans une petite ville sans grand intérêt, il rencontre l’amour en la personne de Margaret, l’organisatrice du tournoi et son aînée de près de dix ans. Jadis proches, les deux frères se sont éloignés il y a des années, après l’accident de la petite amie de Peter à l’époque (et encore maintenant), Sylvia. La mort de leur père va les contraindre à se revoir et à confronter leurs blessures.

L’intermezzo, c’est à la fois l’intermède musical qui vient s’intercaler entre deux parties d’une oeuvre et le nom d’un coup aux échecs qui crée une menace impossible à ignorer. Dans le roman de Sally Rooney, l’intermezzo, c’est le deuil du père ; un intermède après lequel plus rien ne sera jamais pareil et durant lequel se révèlent les fragilités des personnages.

L’écriture de Sally Rooney est sensuelle et fine. La romancière prend plaisir à mettre à nu ses personnages, au sens propre comme au figuré, à révéler leurs luttes intérieures, leurs doutes et leurs peurs.

« Leur père était une bonne personne, il avait essayé. Personne n’est parfait. Parfois, vous avez besoin que les gens soient parfaits, et ils ne peuvent pas, alors vous les détestez à jamais, mais ça n’est pas leur faute, et pas la vôtre non plus. Vous avez juste besoin de quelque chose qu’ils ne peuvent pas vous donner. » À l’instar d’une Virginia Woolf, elle s’attache à percer les apparences et à montrer tout ce qui sépare l’être du paraître. Elle joue avec le lecteur et ses préconçus et s’amuse à le surprendre. Ses personnages sont d’une humanité déroutante, à la fois fragiles et généreux, faillibles, attachants et énervants.

Ainsi, Margaret est tiraillée entre son désir et son amour pour Ivan, sa crainte du jugement des autres (notamment de sa mère) sur la différence d’âge entre eux et sa culpabilité envers son pas tout à fait ex-mari ou de Naomi, étudiante intelligente et sensible, squatteuse, vendant des photos sur Internet pour arrondir ses fins de mois ; elle est amoureuse de Peter qui l’entretient à moitié tout en s’en défendant.

Intermezzo explore une foultitude de thématiques dont certaines, comme le polyamour, sont déjà familières aux lecteurs de Sally Rooney. Le rapport au corps, à travers la sexualité ou l’infirmité, les liens familiaux ou encore la violence des on-dit et des non-dits imprègnent ce livre magnifique, résolument moderne et profond et qui nous enjoint à continuer à essayer de vivre, malgré les difficultés car après tout « Ça ne marche pas toujours, mais je fais de mon mieux. Voir ce qui se passe. En tout cas, continuer à vivre. ».

* Citation de  : revue des deux mondes

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