L'externalisation cognitive à l'IA soulève des inquiétudes quant à la perte de nos capacités intellectuelles fondamentales.
Par Futurism .Publié le
2025/04/05 17:43
À l'ère où l'intelligence artificielle s'immisce avec une rapidité déconcertante dans l'exécution de nos tâches quotidiennes, de la rédaction d'emails à la résolution de problèmes complexes, une question lancinante émerge : sacrifions-nous nos facultés cognitives sur l'autel de la commodité ?
Des experts en psychologie et en neurosciences tirent la sonnette d'alarme : l'usage immodéré d'outils tels que "ChatGPT" pourrait entraîner une érosion progressive de nos compétences intellectuelles, englobant la pensée critique, la créativité, et même la mémoire. Comment, dès lors, l'IA façonne-t-elle nos esprits ? Et où se situe la ligne de démarcation entre une utilisation bénéfique et un préjudice auto-infligé ?
Le cas du journaliste égarant sa fluidité linguistique
Sam Schechner, chroniqueur technologique pour le prestigieux Wall Street Journal, a vécu une expérience personnelle révélatrice des faces sombres de la dépendance à l'intelligence artificielle. Fraîchement installé à Paris, il s'est naturellement tourné vers "ChatGPT" pour la rédaction de ses courriels en français, allant jusqu'à l'utiliser pour ses échanges avec ses amis. Mais une observation troublante a fini par s'imposer à lui :
"Après des années à cultiver ma capacité à exprimer des idées nuancées en français, l'IA a rendu cette compétence superflue. J'ai senti mon cerveau s'ankyloser, au point de buter sur les mots justes pour demander un service à un ami par message", confie M. Schechner.
Robert Sternberg, professeur de psychologie à l'université Cornell, met en garde : "La créativité est comme un muscle. Si on ne l'exerce pas, elle s'atrophie."
Des études pointent du doigt le "déchargement cognitif"
L'expérience de Sam Schechner n'est pas un cas isolé. Une étude conjointe menée par des chercheurs de Microsoft et de l'université Carnegie Mellon a mis en lumière une corrélation entre la dépendance excessive à l'IA et l'affaiblissement des capacités de pensée critique. Une autre recherche, publiée en 2023, a révélé que les étudiants ayant massivement recours à "ChatGPT" souffraient d'une régression de leur mémoire et d'une chute de leurs résultats académiques.
Ces situations illustrent un phénomène connu sous le nom de "déchargement cognitif" (Cognitive Offloading), qui consiste à transférer la charge mentale à des outils externes, à l'instar de l'intelligence artificielle. Bien que ces outils puissent nous délester de tâches répétitives, leur utilisation excessive risque de court-circuiter nos aptitudes intellectuelles fondamentales.
Langage et pensée : une frontière de plus en plus floue
Les grands modèles de langage tels que ChatGPT proposent une forme de "pensée par procuration". Or, le danger réside dans le lien intrinsèque qui unit le langage et la pensée.
Louisa Dahmani, neuroscientifique à l'hôpital général du Massachusetts, explique : "Les outils comme le GPS et l'intelligence artificielle générative nous rendent paresseux sur le plan cognitif. Bien qu'il soit possible de les utiliser consciemment, la majorité d'entre nous empruntera le chemin de la moindre résistance."
En 2020, Mme Dahmani a démontré que la dépendance au GPS altérait la mémoire spatiale humaine. Aujourd'hui, la crainte est de voir l'IA produire un effet similaire sur nos compétences linguistiques et analytiques.
Faut-il s'alarmer ?
Certes, l'intelligence artificielle offre un gain de temps et d'efforts non négligeable. Mais le prix à payer pourrait s'avérer exorbitant si elle venait à se substituer durablement à nos propres capacités cognitives. Tout comme l'abus des smartphones nuit à notre concentration, une soumission totale à l'IA pourrait nous déposséder de ce que nous avons de plus précieux : la capacité de penser par nous-mêmes.
Comment utiliser l'IA avec discernement ?
Un équilibre entre usage et effort intellectuel : Utiliser l'IA comme une aide, sans pour autant la laisser se substituer à notre propre réflexion.
Un entraînement cérébral régulier : Consacrer du temps à la lecture, à l'écriture et à la résolution de problèmes sans assistance externe.
Une sensibilisation aux risques : Insister sur les dangers d'une dépendance excessive, notamment dans le domaine de l'éducation où les étudiants doivent rester au cœur du processus créatif.
En définitive, l'intelligence artificielle est un outil formidable, mais elle ne doit en aucun cas devenir un substitut à l'intelligence humaine. L'esprit humain a besoin d'être stimulé pour se développer, faute de quoi, tel un muscle inactif, il s'affaiblira inexorablement.
Source : Futurism
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