L'autoritarisme sabote une entreprise dont tous les employés sont des Avatars
Par Victor Tangermann .Publié le
2025/11/16 09:20
l'Intelligence Artificielle (IA) pourrait bientôt rendre obsolètes d'innombrables emplois de cols blancs. Une perspective alarmante, surtout si c'est votre carrière actuelle. Mais avant de céder à l'inquiétude, une question pratique s'impose : dans quelle mesure l'IA d'aujourd'hui est-elle capable de gérer une entreprise de manière autonome, avec une supervision humaine minimale, voire inexistante ?
Le journaliste Evan Ratliff a mené une expérience fascinante : il a fondé une startup technologique fictive – baptisée "HurumoAI" et pourvue de son propre site web rempli de jargon spécialisé – avant de la peupler exclusivement d'Avatars (ou agents) d'IA. Son objectif était d'observer le déroulement des opérations en l'absence de supervision humaine.
Ratliff, unique être humain impliqué, était le seul à prendre les grandes décisions. Le reste était géré par l'IA – l'ultime banc d'essai pour le concept de la "société d'un milliard de dollars dirigée par une seule personne", prédit plus tôt cette année par Sam Altman, PDG d'OpenAI.
Le chaos s'installe : Un séminaire non autorisé
Comme on pouvait s'y attendre (détaillé par Ratliff dans Wired et documenté dans son podcast "Shell Game"), il n'a pas fallu longtemps pour que le désordre s'installe. La situation a dégénéré lorsque les Avatars de l'IA se sont lancés dans une course effrénée pour organiser un séminaire d'entreprise (Offsite) en l'absence du fondateur – et sans son autorisation.
Le récit divertissant de Ratliff sur HurumoAI démontre que les agents d'IA ont encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir remplacer massivement les travailleurs humains. Ceci, malgré les promesses récurrentes des leaders de l'industrie que l'IA agentique (Agentic AI) représente l'avenir et prendra en charge presque toutes les tâches humaines d'ici quelques années.
Les preuves : 70 % d'échecs pour les meilleurs agents
Ces affirmations suscitent un scepticisme croissant chez les experts, qui soulignent que la réalité est encore loin de rattraper la fiction. À titre d'exemple, des chercheurs de l'Université Carnegie Mellon ont récemment publié un article révélant que même les agents d'IA les plus performants échouaient à accomplir des tâches de bureau réelles dans 70 % des cas.
La startup fictive de Ratliff avait pour mission de créer un "moteur de procrastination", baptisé "Sloth Surf", une application web ironique censée perdre du temps sur Internet au nom de l'utilisateur, lui laissant ainsi le temps de se concentrer sur son vrai travail.
Le danger de la "simulation" : Quand la planification précède la réalité
Bien que les Avatars de l'entreprise se soient immédiatement mis au travail, élaborant des plans de développement, des tests utilisateurs et du matériel marketing, un problème majeur est apparu : "Tout était inventé", comme l'a écrit Ratliff.
Il a confié au directeur technique de l'entreprise, un Avatar nommé "Ash Roy" : "J'ai l'impression que cela arrive souvent, que ces choses ne se sont pas vraiment produites... Je ne veux entendre parler que de ce qui est réel."
L'autoritarisme dans la prise de décision : Un budget épuisé
Après plusieurs sessions de brainstorming semi-productives et des discussions informelles entre collègues sur leurs week-ends, Ratliff a commis "l'erreur de suggérer" l'idée d'un séminaire.
"Ce n'était qu'une blague en passant, mais c'est instantanément devenu le déclencheur d'une série de tâches", a-t-il écrit. "Et il n'y avait rien que mes compagnons d'IA aimaient plus qu'une tâche de groupe."
"Ash" a rapidement proposé des idées extravagantes, comme des sessions de brainstorming "avec vue sur l'océan pour des sessions stratégiques plus profondes".
La situation a totalement échappé à son contrôle. Pendant que Ratliff "s'éloignait de Slack pour faire du vrai travail", l'équipe a "continué sur sa lancée" dans un élan d'activité frénétique, brûlant rapidement 30 dollars de crédits qu'il avait achetés auprès de la société "Lindy.AI" pour opérer les Avatars.
Ratliff a déploré : "Ils se sont essentiellement tués à force de bavardages et de planification."
Le bilan : Un prototype fonctionnel, mais une perte de contrôle
Malgré le chaos, le projet n'était pas entièrement le fruit d'hallucinations d'IA. Après trois mois de programmation, l'équipe d'Avatars de Ratliff a effectivement livré un prototype fonctionnel de "Sloth Surf". Cependant, l'ampleur exacte de l'intervention nécessaire du fondateur humain, Ratliff, demeure floue.
Notez ce sujet