Projet Soleil de substitution : Google déploie massivement des batteries au CO2 pour stocker l'énergie verte
Par Victor Tangermann .Publié le
2025/12/28 14:20
Si la transition vers les énergies renouvelables a franchi des étapes majeures, le stockage de cette électricité « propre » demeure l’un des plus grands défis de l’ingénierie moderne. Comment restituer cette énergie lorsque le soleil décline ou que le vent tombe ?
Jusqu'à présent, les chercheurs ont exploré des concepts audacieux : des grues déplaçant des blocs de béton titanesques, le stockage thermique au cœur de roches géantes, ou encore des turbines alimentées par l'eau extraite de mines désaffectées. Pourtant, aucune de ces solutions n’avait encore démontré une viabilité suffisante pour un déploiement à grande échelle.
C’est ici qu’intervient Energy Dome. Selon un rapport de l’IEEE Spectrum, cette entreprise basée à Milan propose une approche fascinante : stocker l'énergie sous forme de gaz carbonique (CO2) compressé à l'intérieur de dômes monumentaux.
La « batterie au CO2 » : une mécanique de précision
Le concept est d'une simplicité désarmante. En utilisant l'excédent d'électricité verte pour compresser le gaz, le système permet, plus tard, de décompresser ce même gaz pour actionner de puissantes turbines. Une installation à pleine capacité peut stocker jusqu'à 200 mégawattheures (MWh), soit assez d'électricité pour alimenter environ 6 000 foyers pendant une journée entière.
Le cycle est rigoureux : pour se charger, la batterie utilise un système de stockage thermique qui refroidit le CO2 jusqu'à ce qu’il se liquéfie sous l'effet de la condensation. Pour décharger l'énergie, le CO2 liquide est évaporé puis chauffé, créant la pression nécessaire pour faire tourner la turbine.
Réconcilier production et consommation
L’enjeu est crucial : combler le fossé entre la production intermittente et la demande réelle grâce à des solutions de stockage de longue durée (LDES). À titre d’exemple, si la production solaire culmine en milieu de journée, le pic de consommation domestique ne survient que plusieurs heures plus tard, en soirée.
Cette innovation a capté l’attention de Google. Le géant de la Tech, qui avait annoncé un partenariat avec Energy Dome en début d’année, prévoit désormais de déployer rapidement ces infrastructures à proximité de ses centres de données stratégiques en Europe, aux États-Unis et dans la région Asie-Pacifique.
Un modèle « Plug-and-Play » pour une adoption mondiale
Energy Dome finalise actuellement un projet pilote sur cinq hectares en Sardaigne. En cas de succès, l'expansion sera fulgurante : une usine est déjà prévue dans le Karnataka, en Inde, tandis que les autorités du Wisconsin préparent le terrain pour une implantation similaire.
Ainhoa Anda, responsable de la stratégie énergétique chez Google, souligne l'atout majeur de cette technologie : sa modularité. « Nous avons scanné le globe à la recherche de solutions, et la standardisation est l'un des aspects qui nous a séduits. C'est une solution véritablement "plug-and-play" », confie-t-elle à l’IEEE Spectrum.
Des avantages compétitifs malgré les risques
Contrairement aux batteries lithium-ion, les batteries au CO2 ne dépendent pas de minerais rares ou de chaînes d'approvisionnement complexes. Elles ne nécessitent qu'un entretien minimal. Outre Google, la Chine s'est également lancée dans la course à la construction de dispositifs similaires.
Néanmoins, des zones d'ombre subsistent. L'empreinte au sol de ces dômes est considérablement plus vaste que celle des installations de stockage classiques. De plus, le risque d'une fuite accidentelle, qui libérerait des milliers de tonnes de CO2 dans l'atmosphère, inquiète certains observateurs.
Un risque calculé, selon Claudio Spadacini, PDG d'Energy Dome : « Ces émissions potentielles restent négligeables par rapport à celles d'une seule centrale à charbon », assure-t-il.
Notez ce sujet