Adorables ou tout simplement étranges ? Comment les poupées Labubu ont conquis le monde
Par BBC .Publié le
2025/09/09 18:23
Que vous les trouviez mignonnes, laides ou tout bonnement bizarres, il y a de fortes chances que vous ayez entendu parler de ces poupées en fourrure qui sont devenues un phénomène mondial : les Labubu.
Créée à l'origine comme un monstre, cette créature elfique du fabricant de jouets chinois Pop Mart est aujourd'hui un achat viral. Elle ne manque pas de défenseurs célèbres, de Rihanna à Dua Lipa, en passant par Kim Kardashian et Lisa de Blackpink. Le public est tout aussi obsédé : de Shanghai à Londres, les files d'attente interminables pour s'emparer de la poupée ont fait les gros titres, dégénérant parfois en bagarres.
« On ressent un tel sentiment d'accomplissement quand on parvient à l'obtenir malgré une concurrence aussi féroce », confie Fiona Zhang, une fan inconditionnelle.
Cet engouement planétaire pour Labubu a presque triplé les bénéfices de Pop Mart l'année dernière. Selon certains, il a même revigoré le soft power chinois, mis à mal par la pandémie et des relations tendues avec l'Occident.
Qu'est-ce que Labubu, au juste ?
C'est une question qui taraude encore beaucoup de gens, et même ceux qui connaissent la réponse ne sont pas tout à fait sûrs de pouvoir expliquer cet engouement.
Labubu est à la fois un personnage de fiction et une marque. Le mot en lui-même n'a aucune signification. C'est le nom d'un personnage de la série de jouets « The Monsters », créée par l'artiste Kasing Lung, né à Hong Kong.
Le visage en vinyle est fixé à un corps en peluche, avec un look caractéristique : des oreilles pointues, de grands yeux et un sourire malicieux qui révèle exactement neuf dents. Internet, curieux mais divisé, n'arrive pas à décider si elles sont adorables ou étranges.
Selon le site web officiel du détaillant, Labubu est « bienveillant et veut toujours aider, mais obtient souvent accidentellement l'effet inverse ».
Les poupées Labubu sont apparues dans plusieurs séries de « The Monsters », telles que « Big into Energy », « Have a Seat », « Exciting Macaron » et « Fall in Wild ».
La marque Labubu possède également d'autres personnages de son univers qui ont inspiré leurs propres poupées populaires, comme le chef de la tribu Zimomo, son ami Tycoco et sa copine Mokoko.
Pour un œil non averti, certaines de ces poupées sont difficiles à distinguer les unes des autres. Les connaisseurs, bien sûr, sauraient faire la différence, mais la célébrité de Labubu a certainement déteint sur les autres membres de la famille, qui s'arrachent également des rayons.
Qui vend Labubu ?
Pendant plusieurs années, une grande partie des ventes de Pop Mart provenait des « boîtes mystères » — où les clients ne découvraient ce qu'ils avaient acheté qu'une fois le paquet ouvert — suite à l'accord passé avec Kasing Lung pour les droits de Labubu en 2019.
Cette alliance est intervenue près d'une décennie après que l'entrepreneur Wang Ning a ouvert Pop Mart, un magasin de variétés, à Pékin. Face au succès des boîtes mystères, Pop Mart a lancé sa première série en 2016, vendant les poupées Molly, des figurines enfantines créées par l'artiste de Hong Kong Kenny Wong.
Mais ce sont les ventes de Labubu qui ont alimenté la croissance de Pop Mart, et en décembre 2020, l'entreprise a commencé à vendre des actions à la Bourse de Hong Kong. Ces actions ont bondi de plus de 500 % au cours de la dernière année.
Aujourd'hui, Pop Mart est devenu un détaillant majeur. Il exploite plus de 2 000 distributeurs automatiques, ou « roboshops », à travers le monde. Vous pouvez désormais acheter des poupées Labubu dans les magasins, physiques ou virtuels, dans plus de 30 pays, des États-Unis au Royaume-Uni en passant par l'Australie et Singapour, bien que beaucoup d'entre eux aient récemment suspendu les ventes en raison de la demande écrasante. Les ventes réalisées en dehors de la Chine continentale ont contribué à près de 40 % de son chiffre d'affaires total en 2024.
Signe de la popularité des Labubu, les douaniers chinois ont déclaré cette semaine qu'ils avaient saisi plus de 70 000 poupées contrefaites ces derniers jours.
La demande n'a cependant pas explosé du jour au lendemain. Il a fallu quelques années pour que ces monstres elfiques pénètrent le grand public.
Comment Labubu est-elle devenue une marque mondiale ?
Avant d'être découvertes par le monde entier, les Labubu étaient surtout célèbres en Chine. Elles ont commencé à devenir un succès lorsque le pays est sorti de la pandémie fin 2022, selon Ashley Dudarenok, fondatrice de ChoZan, une société de recherche axée sur la Chine.
« Après la pandémie, de nombreuses personnes en Chine ont ressenti le besoin de s'échapper émotionnellement... et Labubu était un personnage très charmant mais chaotique », dit-elle. « Il incarnait cet anti-perfectionnisme ».
L'Internet chinois, vaste et concurrentiel, produit de nombreuses tendances virales qui ne deviennent pas mondiales. Mais celle-ci a réussi, et sa popularité s'est rapidement étendue à l'Asie du Sud-Est voisine.
Fiona, qui vit au Canada, dit avoir entendu parler de Labubu pour la première fois par des amis philippins en 2023. C'est là qu'elle a commencé à les acheter ; elle les trouve mignonnes, mais leur popularité croissante est un attrait majeur : « Plus c'est populaire, plus j'en veux ».
« Mon mari ne comprend pas pourquoi moi, une femme d'une trentaine d'années, je suis aussi obsédée par quelque chose comme ça, au point de me soucier de la couleur à acheter ».
Leur prix abordable est un autre avantage, ajoute-t-elle. Bien que la demande croissante ait fait grimper les prix sur le marché de la seconde main, Fiona assure que le prix d'origine, qui variait de 25 à 70 dollars canadiens pour la plupart des poupées Labubu, était « acceptable » pour la plupart des gens qu'elle connaît.
« C'est à peu près le prix d'un accessoire de sac de nos jours, la plupart des gens peuvent se le permettre », dit-elle.
La popularité de Labubu a grimpé en flèche en avril 2024, lorsque la superstar de la K-pop, Lisa, d'origine thaïlandaise, a commencé à publier des photos sur Instagram avec diverses poupées Labubu. Ensuite, d'autres célébrités mondiales ont transformé ces poupées en un phénomène international cette année.
La chanteuse Rihanna a été photographiée avec un jouet Labubu accroché à son sac Louis Vuitton en février. L'influenceuse Kim Kardashian a partagé sa collection de 10 poupées Labubu avec ses abonnés Instagram en avril. Et en mai, l'ancien capitaine de l'équipe de football d'Angleterre, Sir David Beckham, a également publié sur Instagram une photo d'une Labubu que sa fille lui avait offerte.
Aujourd'hui, les poupées sont omniprésentes, régulièrement aperçues non seulement en ligne, mais aussi sur les sacs d'amis, de collègues ou de passants.
Qu'est-ce qui explique cette obsession ?
En termes simples, nous ne savons pas. Comme la plupart des tendances virales, l'attrait de Labubu est difficile à expliquer : c'est le résultat d'un bon timing, des goûts du public et de la nature aléatoire d'Internet.
Pékin est certainement ravi du résultat. L'agence de presse d'État Xinhua affirme que Labubu « montre l'attrait de la créativité, de la qualité et de la culture chinoises dans un langage que le monde peut comprendre », tout en donnant à chacun la chance de voir une « Chine cool ».
Xinhua cite d'autres exemples qui montrent que « la propriété intellectuelle culturelle chinoise devient mondiale » : le jeu vidéo Black Myth: Wukong et le film d'animation à succès Nezha.
Certains analystes semblent surpris par le succès des entreprises chinoises, des fabricants de véhicules électriques aux développeurs d'IA en passant par les détaillants, malgré le malaise occidental face aux ambitions de Pékin.
« BYD, DeepSeek, toutes ces entreprises ont une chose très intéressante en commun, y compris Labubu », a déclaré Chris Pereira, fondateur et PDG de la société de conseil iMpact, à la BBC News.
« Elles sont si bonnes que personne ne se soucie qu'elles soient originaires de Chine. On ne peut pas les ignorer ».
Pendant ce temps, les Labubu continuent de rassembler des millions d'adeptes sur les réseaux sociaux, avec des millions de personnes regardant les nouveaux propriétaires déballer leur précieuse acquisition. L'une des vidéos les plus populaires, postée en décembre, montre des agents de sécurité d'un aéroport américain curieux qui se pressent autour de la boîte Labubu non ouverte d'un voyageur pour essayer de deviner quelle poupée se trouve à l'intérieur.
Cet élément de surprise est une grande partie de l'attrait, explique Desmond Tan, un collectionneur de longue date, alors qu'il se promène dans un magasin Pop Mart à Singapour en secouant vigoureusement les boîtes mystères avant de décider laquelle acheter. C'est un spectacle courant dans les magasins Pop Mart.
Desmond collectionne les personnages « chasers », des éditions spéciales des diverses séries de jouets de Pop Mart, y compris Labubu. En moyenne, Desmond dit qu'il trouve un « chaser » dans une boîte sur dix qu'il achète. C'est un bon taux de réussite, selon lui, comparé aux chances habituelles : une sur cent.
« Être capable d'obtenir le 'chaser' en secouant la boîte, en apprenant à sentir la différence... », est profondément satisfaisant pour lui.
« Si je peux l'obtenir en une ou deux tentatives, je suis très heureux ! »
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